Éditorial journal explosioninfo
Ce mardi 27 Août 2024----
Selon l'article 19 de la Constitution haïtienne, l'État a l'impérieuse obligation de garantir le droit à la vie, à la santé, et au respect de la personne humaine à tous les citoyens, sans distinction, conformément à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Cependant, de nombreux patients interrogés par le journal Explosioninfo ont affirmé que dans le département du Nord-Est, notamment dans les hôpitaux de Ouanaminthe, Fort-Liberté, et Trou-du-Nord, l'accès aux soins de santé est conditionné par la possession de sommes d'argent substantielles, conséquence de la gestion défaillante du système de santé de cette région.
Pierre Ange-Marie, âgée de 72 ans et originaire de Vallières, est arrivée à l'hôpital de Fort-Liberté souffrant de diabète, d'hypertension et de douleurs osseuses. Après avoir attendu de 8 heures du matin à 2 heures de l'après-midi sans être prise en charge, une infirmière lui a demandé combien d'argent elle possédait. Ne disposant que de 500 gourdes, elle fut ignorée par le personnel soignant. Mme Pierre, désespérée, s'est exclamée : « Je suis laissée à l'abandon parce que je suis pauvre. Pourquoi Dieu me laisse-t-il vivre ainsi ? »
Joseph Marlène, âgée de 19 ans et résidant dans la section communale de Pilette, commune de Trou-du-Nord, s'est rendue à l'hôpital de Trou-du-Nord pour accoucher. Le médecin lui a demandé 25 000 dollars pour ses services. N'ayant pas cette somme, elle a été transférée à l'hôpital de Cap-Haïtien, où elle a dû débourser 5 000 gourdes pour accoucher. Elle déclare que, sans la vigilance des médecins et infirmières de l'Hôpital du Cap-Haïtien, elle serait morte en raison de son incapacité à payer les frais demandés à l'Hôpital de Trou-du-Nord.
De nombreux notables, interrogés par Explosioninfo, ont exprimé leur indignation face à la gestion du système de santé du Nord'Est par le directeur départemental de santé publique, le Dr Jean Denis Pierre. Ils l'accusent d'incompétence, d'irresponsabilité, et de corruption, et estiment que ces pratiques ont conduit à la dégradation alarmante de la qualité des soins de santé dans le département. Ils appellent le Ministre de la Santé Publique à démettre de ses fonctions le Dr Jean Denis Pierre pour ces raisons.
Un scandale de corruption impliquant le Dr Jean Denis Pierre a également été révélé à l'hôpital de Ouanaminthe. En effet, selon des médecins et infirmiers, le Dr Pierre, en complicité avec l'ancien directeur du centre de santé de Ouanaminthe, Jose Raphaël, a illégalement retiré cinq millions de gourdes d'un compte à la Banque Nationale de Crédit (BNC). Bien que le Directeur actuel du Centre de Santé de Ouanaminthe, Pierre Justafor, ne soit pas autorisé à accéder à ce compte, les fonds continuent d'être détournés, laissant l'hôpital sans gants, médicaments, et personnel nécessaire.
Les médecins et infirmiers exigent une enquête immédiate de l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et de l'Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) pour que le Dr Jean Denis Pierre soit poursuivi pour corruption et irresponsabilité.
De plus, un projet de financement basé sur les résultats (FBR), financé par l'USAID dans le département du Nord'Est, est également entaché de malversations. Ce projet, destiné à plusieurs centres de santé dans la région, a été utilisé par le Dr Jean Denis Pierre pour distribuer des chèques à des individus n'ayant aucune fonction dans le domaine de la santé, tout en ignorant les médecins et infirmiers qui, eux, travaillent effectivement dans les centres concernés.
Un autre projet, intitulé Programme de Surveillance Épidémiologique « OSE » (Officier de Surveillance Épidémiologique), visait à lutter contre les épidémies dans le département du Nord'Est. Cependant, lorsque la concubine du Dr Jean Denis Pierre, Roudjerline Théophile, n'a pas été retenue parmi les personnes sélectionnées pour participer à ce projet, le Dr Pierre a exigé que son nom soit ajouté, au détriment des candidats qualifiés initialement choisis. Cette ingérence a suscité des protestations au sein de la direction départementale.
Face à ces accusations graves, la population du Nord'Est exige la révocation immédiate du Dr Jean Denis Pierre par le Ministre de la Santé Publique et appelle l'ULCC et l'UCREF à mener une enquête approfondie sur les 24 années d'administration du Dr Pierre à la tête de la Direction Départementale de Santé Publique du Nord'Est.
Il est crucial de traiter ces accusations avec la plus grande rigueur et objectivité pour garantir que la vérité soit établie et que justice soit rendue. Les citoyens du Nord'Est ont le droit de bénéficier de services de santé transparents, efficaces, et accessibles, comme le garantit la Constitution haïtienne.
Par ailleurs, plusieurs autres points critiques viennent accentuer la nécessité d'une réforme en profondeur :
1.Manque de transparence : Une des critiques majeures pourrait être le manque de transparence dans la gestion des fonds publics, notamment en ce qui concerne les budgets alloués aux programmes de santé.
2.Conflits d'intérêts : Des allégations de conflits d'intérêts, où des décisions pourraient être influencées par des relations personnelles ou professionnelles, devraient être examinées.
3.Favoritisme dans les contrats : Si des contrats sont attribués à des entreprises ou des individus sans appel d'offres ou en dehors des procédures normales, cela pourrait constituer une forme de corruption.
4.Gestion inefficace des ressources : Une mauvaise gestion des ressources humaines et matérielles peut nuire à la qualité des soins fournis aux patients.
5.Dénonciation des lanceurs d'alerte : Les personnes qui signalent des irrégularités peuvent être victimes de représailles, ce qui crée un climat de peur et dissuade d'autres de s'exprimer.
6.Inaccessibilité des soins : Si des décisions prises au sein de la direction entraînent une inégalité d'accès aux soins pour certaines populations, cela pourrait être un point critique.
7.Communication défaillante : Une mauvaise communication entre les différentes entités de santé publique peut entraîner des erreurs dans la prise en charge des patients.
8.Surveillance insuffisante : L'absence de mécanismes de contrôle efficaces pour surveiller les activités et les décisions au sein de la direction pourrait permettre à la corruption de prospérer.
9.Réaction inadéquate aux crises sanitaires : Un manque de préparation ou une réponse inappropriée à des crises sanitaires (comme une pandémie) pourrait être un point de critique majeur.
10.Éthique professionnelle :Les comportements contraires à l'éthique au sein du personnel médical et administratif doivent être dénoncés pour maintenir la confiance du public.
En effet, la situation décrite dans cet article ne peut être simplement ignorée ou minimisée. Les pratiques dénoncées au sein de la Direction Départementale de Santé Publique du Nord'Est sont non seulement une violation des droits fondamentaux des citoyens, mais elles représentent également une menace directe pour la santé et la vie de milliers de personnes. Les allégations de corruption, de favoritisme et de mauvaise gestion ne sont pas de simples dysfonctionnements bureaucratiques ; elles témoignent d'un système en crise qui, s'il n'est pas réformé de manière urgente et radicale, continuera à priver les plus vulnérables de leur droit légitime à des soins de santé décents.
Il est du devoir de chacun, que ce soit les citoyens, les autorités publiques, ou la société civile, de ne pas rester silencieux face à ces abus. Une mobilisation collective est essentielle pour exiger des comptes et pour forcer les responsables à répondre de leurs actes. Le Ministère de la Santé Publique ne peut plus fermer les yeux sur ces pratiques ; il doit prendre des mesures concrètes et immédiates pour redresser la situation, en commençant par la destitution des responsables impliqués et la mise en place d'une gestion transparente et éthique des fonds publics.
En outre, il est crucial que l'Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) et l'Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF) mènent des enquêtes approfondies pour s'assurer que toutes les irrégularités soient mises à jour et que les coupables soient poursuivis conformément à la loi. La population du Nord'Est ne doit plus être sacrifiée sur l'autel de la corruption et de l'inefficacité. La communauté nationale et internationale doit se mobiliser pour garantir que le droit à la santé, inscrit dans la Constitution haïtienne, ne reste pas un simple slogan, mais qu'il devienne une réalité pour tous, sans discrimination.
Il est temps d'agir, de réformer, et de restaurer la confiance dans le système de santé du Nord'Est. L'inaction, dans ce contexte, équivaut à une complicité passive. La survie de milliers de vies en dépend.
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