Éditorial journal explosioninfo
Par : Ulysse Jean Chenet
Pour comprendre le phénomène de l'insécurité en Haïti, il faut faire une étude approfondie sur la société haïtienne à partir de la chute du régime dictatorial des Duvalier en 1986.
Durant les 29 ans de la dictature des Duvalier, il existait un seul groupe de Gangs en Haïti, c'était l'état haïtien, le pouvoir en place.
Le chef suprême était le président François Duvalier. Il avait un contrôle absolu sur la vie et les biens de la population. C'était un choix.
Maintenant, à partir de l'année 86, Haïti se trouve dans une nouvelle Ère, la démocratie.
De la dictature à la démocratie, il devait avoir une transition. Ce qui n'a jamais été le cas. Une population majoritairement analphabète qui a vécu 29 ans dans un régime dictatorial et qui se retrouve brusquement dans un système démocratique et de libéralisme, c'est exposer l'avenir d'une population et des générations futures.
Le plus grand problème du peuple haïtien, il est émotif. Il ne croit pas en la planification.
Dans ce cas là, la responsabilité revient aux élites du pays ( intellectuelles, politiques, économiques, etc...).
Après le départ des Duvalier, la transition démocratique devait se pencher sur l'éducation civique et l'éducation à la citoyenneté de la population pour mieux implanter le nouveau système démocratique basé sur le respect de la loi et la constitution.
D'ailleurs, la constitution haïtienne de 1986 n'est pas une constitution nationale, c'est une constitution aristocratique, exclusiviste et même raciste.
Le Pourquoi ?
La démocratie, c'est le pouvoir par le peuple et pour le peuple.
Si la constitution haïtienne de 1987 qui devait être le document cadre du système démocratique n'a pas eu de la bénédiction de la population haïtienne. C'est tout à fait normal qu'on arrivera à l'échec du régime démocratique. Parce que la constitution haïtienne de 1987 ne tenait pas compte de la réalité socio-politique, culturelle et économique d'Haïti. C'est une constitution émotionnelle, conjoncturelle et élitiste.
D'ailleurs, lors du référendum de l'adoption de la constitution du 29 Mars 1987, on a fait voter en bloc les lois de la constitution avec une population majoritairement analphabète dans un temps relativement court et sans une campagne de promotion de la Constitution. C'était un coup d'état de l'intelligentsia haïtienne contre la masse. Tandis qu'on parlait de la démocratie qui se définit comme pouvoir du peuple.
Autre chose, la Constitution de 1987 est exclusiviste et émotive. A quoi bon de sanctionner des citoyens haïtiens pour leur appartenance politique " Makout pa ladann". Pourtant, après 29 ans de règne, c'était tout à fait normal de savoir que les cadres du pays ont un penchant pour le régime précédent. On ne devait en aucun cas rejeter des cadres de la société haïtienne qui ont servi le régime dictatorial des Duvalier. Même après la guerre de l'indépendance d'Haïti, Dessalines a demandé de protéger les techniciens étrangers ( Médecins, professeurs, et autres). Pourtant, après le départ des Duvalier, nous avons fait le contraire. Nous avons détruit la société haïtienne. Nous avons tué, brûlé, déchouqué ,exilé et marginalisé des techniciens hors pairs qui ont servi le régime dictatorial des Duvalier, et encore sans un procès.
Deuxième chose, on a détruit le système de sécurité rurale du pays, sans le remplacer. Les Volontaires de la sécurité nationale ( VSN) connus sous le sobriquet " Tonton Makout" etaient le pilier de la sécurité nationale d'Haïti et c'était la base du système de l'intelligence du Gouvernement des Duvalier, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de téléphones dans les communautés et pourtant les messages circulaient parfaitement bien. On devait remplacer les Tontons Makout par un corps de police rurale. Jusqu'à présent ce n'est pas encore le cas.
Depuis lors, le territoire d'Haïti devient un terrain favorable au développement des Gangs armés.
3ème chose, les Forces armées d'Haïti qui ont servi durant 29 ans un régime dictatorial et qui vont faire face à un nouveau système démocratique sans une réforme en profondeur. C'est encore une cause principale de l'échec de la transition démocratique en Haïti. On devait assurer des changements drastiques au sein des Forces armées d'Haïti.
En conséquence, en 1991 , on allait assister à un renversement malhonnête d'un gouvernement élu démocratiquement dans le pays . C'était le premier coup d'état contre Jean Bertrand Aristide.
4ème chose, après le retour à l'ordre constitutionnel en octobre 1994, le Président Aristide pour se venger de son coup d'état a démantelé les Forces armées d'Haïti pour créer un corps de police civile en 1995. On ne peut pas en aucun cas remplacer une Force militaire par un corps de police civile. Ce sont deux institutions différentes qui ont des missions différentes.
5ème chose, au sein même de la Police nationale d'Haïti, le haut état major est constitué des anciens militaires qui avaient la haine de la décision du Président Jean Bertrand Aristide qui a procédé au démantèlement de l'armée d'Haïti. C'est un fait normal, un militaire reste et demeure un militaire même dans la mort.
6ème chose, les militaires démobilisés sont abandonnés dans les rues avec leurs armes sans réparation et sans subvention. C'est à partir de là qu'on allait commencer à connaître des porches d'insécurité dans le pays, avec un phénomène qu'on appelle " Zenglendo".
Après un certain temps, les groupes armés vont commencer à prendre naissance dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, spécialement à Cité Soleil et ça va étendre dans toute la région Métropolitaine de Port-au-Prince, avant de gagner les villes de province.
À partir des années 2000, il y avait un tournant décisif dans l'économie mondiale avec la révolution numérique ou la nouvelle technologie informatique et de la communication ( NTIC). Une nouvelle Crise politique et économique a vu le jour en Haïti.
Le président René Garcia Préval qui a déjà livré l'économie du pays à l' occident avec son programme de Privatisation des entreprises publiques de l'état haïtien, à savoir " Téléco et toutes les usines nationales ( Aciérie d'Haïti, Cimenterie nationale, Huilerie nationale, Minoterie nationale, etc ...) va se retrouver dans un embarras pour remettre le pouvoir à l'ancien président Aristide pour un deuxième mandat avec un slogan " Nou Pèdi 3 zan, nap tire 5 kan nan dada koko rat yo". Ainsi, sur un fond de crise politique, le Gouvernement Préval a organisé des élections contestées avec une absence totale de participation des acteurs politiques de l'opposition. Des élections que Evans Paul dit KP a traité d'élections " yon grenn soulye".
Aristide est élu ou nommé, on ne sait pas, Président d'Haïti pour une deuxième fois. L'investitut a eu lieu le 7 février 2001 au palais national et l'opposition a installé un autre président en face, Me Gérard Gourgue. Ce fut un amboglio politique.
A l'approche de 2004, le Président Aristide a lancé en grande pompe le Projet de Commémoration du Bicentenaire de l'indépendance d'Haïti et l'opposition politique a mis en place un Mouvement dénommé GNB ( Grenn nan Bouda) pour chambarder le pouvoir.
Le pays était à feu et à sang. Le pouvoir lavalas pour se renforcer se référait aux jeunes des quartiers populaires de Port-au-Prince comme d'habitude en les armant et en leurs donnant des appuis financiers et logistiques.
L'opposition elle-même avec l'appui des ambassades de l'Occident en Haïti allait armer des rebelles autour de Guy Philippe pour renverser Jean Bertrand Aristide au pouvoir.
Des armes automatiques sont éparpillés un peu partout dans le pays entre les mains des proches du régime en place et ceux du Mouvement GNB, spécialement aux bandes armées de Guy Philippe. C'était une guerre civile informelle.
Malgré les appels à la réconciliation et à l'entente nationale, la commémoration du Bicentenaire de l'indépendance d'Haïti a été boycottée et le 29 février 2004 , le président Aristide a capitulé.
On fait venir une Force étrangère dans le pays, la MINUSTHA et on a mis en place un gouvernement de transition, avec Gérard Latortue, Premier Ministre et Me Alexandre Boniface, Président de la République.
Avec la présence de la MINUSTHA dans le pays, on a lancé un programme de désarmement sans succès.
Au contraire, les Casques bleus de la MINUSTHA à plusieurs reprises ont distribué des armes automatiques dans les quartiers populaires de Port-au-Prince, spécialement à Cité Soleil.
Depuis lors, le phénomène de banditisme en Haïti devient un Cancer pour la paix et la sécurité dans le pays.
Avec le deuxième mandat du Président Préval, il a pris très au sérieux la question de désarmement et il a même mis en place une commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion ( CNDDR). De ce programme, le Président Préval a fait une déclaration célèbre " Prizon ou simityè pou tout bandi".
Malgré tout, ça n'a pas marché convenablement.
Maintenant, avec l'arrivée de l'équipe PHTK au pouvoir en 2011, un an après le séisme meurtrier du 12 janvier 2010, le secteur économique et les néo-duvaliéristes arrivaient au pouvoir avec Michel Martelly, Chef Bandi légal. Ils ont pillé, ravagé et détruit le trésor public d'Haïti. Ils ont totalement dilapidé les Fonds Petrocaribe.
Les Commerçants Pro-Tèt kale se livrent à des trafics illicites et de toutes sortes de contrebandes. Ils ont transformé l'économie haïtienne en une économie mafieuse et ils financent des Gangs armés pour se protéger.
Au bout d'un certain temps, l'insécurité en Haïti devient un système puissant et une forme de gouvernance pour se maintenir ou pour prendre le pouvoir en Haïti.
Durant le mandat du Président Jovenel Moïse, qui était la 3ème version du régime PHTK, on allait assister à une montée vertigineuse de l'insécurité en Haïti avec un phénomène de kidnapping dans le pays.
Donc, l'insécurité en Haïti est un système transversale qui jouit de la complicité des autorités haïtiennes ( Président, Sénateurs, Députés, politiciens) , des Commerçants et le Corps diplomatique en Haïti à travers le Core Group et le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti ( BINUH) qui ont mis en place une fédération des Gangs armés dans le pays ( G9 en Fanmi et alliés) .
Depuis lors, les Gangs armés deviennent une industrie florissante à travers tout le pays. Ils sèment la terreur partout et transforment certaines régions en territoires perdus.
Maintenant, les Gangs armés deviennent des industries autonomes en armes automatiques et en munitions, ils sont détenteurs d'énormes capitaux dans le pays en pillant les banques commerciales, des entreprises privées et du kidnapping. Ils transforment l'économie haïtienne en un système mafieux.
De nos jours, pour combattre le banditisme en Haïti, il faut pouvoir faire le distingo, parce que l'insécurité en Haïti est un système transversale qui implique toutes les couches sociales d'Haïti et même de la Communauté internationale.
" Tout Moun se voye kò w, veye bouch, kontwole Zòrèy ak moun kap pale".
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