Le gouvernement démissionnaire d'Haïti traite le Conseil présidentiel comme s'il était surgi de nulle part, comme un étranger qu'on accueille avec réticence. Pourtant, il est le fruit de longues négociations entre, d'une part, l'opposition politique et le gouvernement d'Ariel Henry et, d'autre part, entre les différentes factions de l'opposition qui ont finalement convenu d'une solution commune pour résoudre la crise. En d'autres termes, cet organe est né de la volonté majoritaire de trouver une solution concertée pour mettre fin à la crise politique qui secoue le pays.
Cependant, l'irresponsabilité flagrante du gouvernement démissionnaire, qui semble incapable de respecter ses engagements, met le Conseil présidentiel dans une situation délicate comme il l’a déjà fait auparavant pour plusieurs autres accords conclus avec l’opposition.
Par ailleurs, dans son projet de boycott du Conseil présidentiel, ce gouvernement et ses alliés démontrent leur capacité à dire une chose et son contraire. Autrefois contre le recours à la cassation, il propose aujourd'hui cette dernière comme alternative.
La fausse solution de la Cour de cassation proposée pour combler le vide présidentiel est en réalité un recul tant sur le plan juridique que politique. Premièrement, sur le plan politique, elle ne reflète pas la volonté de la classe politique qui avait opté en majorité pour un pouvoir exécutif bicéphale et collégial. De plus, elle représente un pas en arrière par rapport aux progrès réalisés lors des négociations politiques engagées tant au niveau international qu’international.
Sur le plan juridique, le recours à la cassation serait un retour en arrière dans le droit constitutionnel haïtien. C’est s'accrocher à une ancienne disposition de l'article 149 de la Constitution de 1987, qui a pourtant évolué depuis plus de dix ans pour éviter la politisation de l'institution judiciaire suprême en cas de vacance présidentielle.
La responsabilité d'assurer la vacance et l'organisation de l'élection du nouveau président incombe désormais au Conseil des Ministres ou à l'Assemblée nationale, selon la date de l'occurrence de ladite vacance par rapport au mandat présidentiel. Cela a été le cas lors de la fin du mandat du président Martelly sans l'élection d'un remplaçant et de l'assassinat du président Jovenel Moise.
Aujourd’hui, il est plus que cynique de continuer à perdre le sens de la responsabilité et de l’urgence. Le gouvernement démissionnaire se trouve à un carrefour. Face au Conseil présidentiel, il doit choisir entre s'accrocher au pouvoir et saboter les acquis des négociations politiques, ou faciliter une sortie pacifique de la crise. L'histoire retiendra son choix.
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Me Mathieu Junior KERCIVIL, avocat, Philosophe Politique, M2 en Analyse des discours politiques et médiatiques, M2 en Economie et Gestion des Collectivités Territoriales