Les évêques catholiques critiquent l’inaction et le mépris du gouvernement et l’indifférence des pays amis d’Haïti face à la souffrance des haitiens
PORT-AU-PRINCE, vendredi 10 mars 2023– Dans un message au peuple haïtien a l’occasion du 40e anniversaire de la visite du Pape Jean-Paul II en Haïti le 9 mars 1983, les évêques catholiques, ont dénoncé l’inaction du gouvernement et l’indifférence des pays dits amis d’Haïti face a la souffrance du peuple haïtien.
Reprenant la déclaration phare du passage de Jean-Paul II en Haïti : « Il faut que quelque chose change ici ! », les prélats ont déclaré ‘‘qu’en regardant en face les dures réalités d’alors, caractérisées par un pouvoir autocratique qui opprimait les citoyens, l’Église se devait de cristalliser la clameur de ce peuple qui aspirait tant à une société libre et démocratique. Mais le changement de régime politique, qui survint peu de temps après la visite du Saint-Père, n’a pas comblé les espérances du peuple dont les attentes ont été déçues.
Ils ont ajouté avoir assisté au cours de ces dernières années à une ingénierie du mal orchestré savamment dans le but de casser tous les ressorts qui supportaient encore les pans de notre société.
« La violence systématisée et planifiée défie les Autorités et les Forces publiques. Sans le moindre risque d’être inquiétés, les gangs armés revendiquent leurs crimes abominables : vol, viol, pillage, incendie, enlèvement, meurtre. Partout dans le pays, ils multiplient les démonstrations de force, occupent chaque jour de nouveaux espaces sous le regard impassible des autorités dont l’indifférence et l’inaction sont plus que déconcertantes » selon les évêques.
‘‘Comment des gouvernants qui sont censés défendre et protéger les citoyens peuvent manifester autant de passivité face à une violence aussi cruelle qui plonge toute la société dans une angoisse et un désespoir collectifs ?’’, se sont-ils interrogés.
« Que résonne dans leurs oreilles et dans leurs cœurs ce cri lancinant de tout un peuple : « Il faut que quelque chose change ici ! ». Et c’est maintenant ! Nous ne pouvons plus compter les exactions et les crimes commis par ces bandits dont le nombre croît de manière exponentielle. Il ne reste plus un endroit sûr où vivre dans le pays. Pour sortir de chez eux et y revenir, les citoyens sont à la merci des gangs armés qui imposent leurs lois », lit-on dans le message des évêques.
Selon eux, ‘‘devant l’indifférence et l’inaction totales des Autorités de l’État, allant jusqu’au mépris du peuple souffrant, laquelle s’ajoute aux promesses, à chaque fois déçues, des pays amis, d’aucuns se demandent si le pays n’est pas l’objet d’une vaste conspiration aux objectifs inavoués.’’
« Il est clair que seuls, nous ne pouvons pas combattre ce mal qui a poussé de si nombreuses racines dans notre pays. Au nom de la solidarité internationale et de la fraternité universelle, la Société des Nations se doit de se manifester à un moment où tout un peuple est exposé à la terreur des gangs qui n’épargnent ni femmes ni enfants ni les personnes malades. Le temps est à l’action concrète, ont souhaité les évêques.
Selon eux, l’aide dont le peuple a besoin aujourd’hui doit se définir en fonction de ce qu’il vit véritablement et de ses propres aspirations au bien-être et à la justice. Le chemin du relèvement d’Haïti est celui de la fraternité et de l’amitié sincères, ont-ils soutenu.
Souvent accusés de ne pas trop s’impliquer dans l’accompagnement du peuple, ils ont déclaré : « Comme le Christ Ressuscité sur le chemin d’Emmaüs, l’Église entend réveiller les consciences et les cœurs, et raviver l’Espérance, grâce à la lumière de l’Évangile qui est un message de Paix et d’Amour. Aussi, chers concitoyens, nous vous interpellons, en vous invitant à revenir à la Paix, à la Fraternité et au Respect de la vie qui est sacrée ».
elon eux, la gouvernance du pays doit tenir compte du Bien Commun et de l’intérêt collectif en neutralisant toute tentation de recherche éventuelle d’intérêt personnel ou de clan.
« C’est la voie royale menant à une société ouverte à la participation de tous ses citoyens à travers des mécanismes consensuels. Aussi en appelons-nous à la sagesse des tenants du pouvoir de favoriser un climat de confiance susceptible d’attirer les courants divergents à un dialogue franc qui place le pays au-dessus de toute considération de chapelle. Nous les exhortons à agir vite avant qu’il ne soit trop tard », ont-ils précisé.
Ils ont également interpellé la conscience de tous ceux qui financent et entretiennent avec cynisme ces violences.
« Vos vies et celles de vos proches sont sacrées, mais sachez que chaque vie est tout aussi précieuse. Notre vie à chacun a une valeur inestimable. Prêtez l’oreille au gémissement du nombre incalculable d’innocents qui vous demande d’arrêter la terreur, appelant les tenants de cette situation à renoncer à cette violence qui asphyxie nos enfants et qui détruit nos sœurs et frères Haïtiens.’’
Estimant que les victimes doivent obtenir justice et réparation, les évêques ont fait savoir que le peuple en a assez ! ‘‘Il n’en peut plus! Il est vraiment temps que quelque chose change pour de vrai sur cette terre en faveur de ce peuple bafoué, humilié, violenté’’.
Paraphrasant Jean-Paul II, ils ont déclaré : « Il est vraiment temps « que les “pauvres” de toutes sortes se reprennent à espérer ».
Ils se sont engagés a lutter de toutes leurs forces afin de travailler avec le peuple haïtien dans son combat pour améliorer son quotidien et changer ses conditions d’existence.