La culpabilité !
Une arme très efficace utilisée par les ennemis d’Haïti.
Par Thony Desauguste
Cap-Haïtien, le 24 avril 2021.
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De nos jours, que l’on soit chrétien ou non, il y a une déclaration de Jésus-Christ, rapportée au 23e verset du chapitre 9 de l’Evangile selon Saint Marc qui doit susciter une attention soutenue chez tout lecteur avisé: « Tout est possible à celui qui croit ». Aussi, la négation serait évidemment : « Tout est impossible à celui qui ne croit pas ». Il est vrai que la déclaration a été faite dans un contexte spécial. Cependant, elle a virtuellement une portée générale et universelle. On s’amène, ainsi, à se demander en quoi le verbe croire est-il si puissant au point qu’il est capable de rendre possible tout projet de l’homme? Le seul fait de croire cela suffirait-il ? Peut-on ne pas croire et en même temps réaliser efficacement un grand projet? Dans les lignes qui viennent, je me propose d’apporter humblement quelques réponses qui seraient à mon avis utiles à la société haïtienne et susceptible d’aider mon pays à sortir du chaos dans lequel il s’enlise.
En effet, la tâche la plus ardue pour le moment, c’est de se donner la mission pour porter particulièrement les jeunes à accepter l’idée qu’il existe toujours de l’espoir pour notre pays. Le seul rêve auquel ils s’adonnent, c’est de s’enfuir, aller loin de ce coin maudit. Ils ont vraisemblablement raison, car il faut être aveugle pour ne pas constater que les choses vont de mal en pis. C’est le désarroi ! C’est l’effondrement total ! Au milieu de ce tohu-bohu, les ennemis de la première République Noire gagnent du terrain. Ils évaluent, maintiennent et renforcent magistralement une stratégie de combat. Ils utilisent efficacement et subtilement une arme de plus en plus puissante: la culpabilité.
Au fait, la culpabilité, selon Larousse, est un sentiment de faute ressenti par un sujet, que celle-ci soit réelle ou imaginaire. Il s’agit d’un sentiment proche du concept du remords. La culpabilité fait partie des émotions auto-conscientes, celles permettant aux individus de réguler leurs actions. En revanche, ce sentiment est très dangereux lorsqu’il est excessif et basé surtout sur l’imagination. Dans le cas haïtien, il est majoritairement imaginaire. Le peuple s’accuse d’une faute qui lui est habituellement étrangère. J’ai entendu presque quotidiennement que des gens ressassent avec assurance que : le mal est haïtien, le pays est foutu, personne ne peut développer Haïti, l’haïtien est méchant, plus de salut pour ce coin de terre, on ne peut faire confiance à quiconque dans ce pays, nous sommes tous des voleurs. Innocemment, le peuple, dans son ensemble, joue le jeu des ennemis d’Haïti. L’objectif du malin c’est de s’assurer que le peuple se méprise lui-même et s’auto flagelle. Ce faisant, il ne pourra jamais sortir du marasme économique, jamais il ne pensera à exiger des comptes à ses dirigeants et signera lui-même son verdict ordonnant la peine capitale.
Pour comprendre le drame haïtien, il faut analyser les notes émanant des ambassades des pays occidentaux notamment les Etats-Unis d’Amérique et le Canada. D’une part, ils présentent le pays comme une entité chaotique ingouvernable ; d’autre part, ils ouvrent leur frontière pour accueillir les ressortissants haïtiens pour pouvoir alimenter leur machine de production de biens et de services. Cette manoeuvre souterraine, est utilisée habilement aussi par les dirigeants corrompus haïtiens. Les bourgeois rétrogrades ainsi que les responsables de l’Etat font la promotion d’un pays ingouvernable, d’un pays qui n’existe ni sur le papier ni dans le réel comme a martelé l’ancien Premier Ministre Joseph Jouthe. Pourtant, dans ce même coin terre, ils vivent confortablement. Ils sont à l’abri de la machine de l’insécurité. Comment un pays peut-il être à la fois un Etat maudit pour un groupe et un paradis pour d’autres? Comment expliquer que les haïtiens sont respectueux de la loi ailleurs et non Haïti? S’ils sont si méchants dans l’âme comment est-il possible que les haïtiens se comportent comme des gens responsables au Canada ou en France?
Nous voyons donc que les ennemis d’Haïti sont en très bonne position pour gagner la guerre. Leur plan en a fait écho. Déstabiliser, faire en sorte que le peuple haïtien ne croit plus en ses capacités, rallier les haïtiens à leur cause sans se rendre compte du but principal. Cette pratique consistant à enlever astucieusement l’espoir et les vertus de l’homme Haïtien est historiquement constant et aussi vieille que l’Amérique. Qu’on se souvienne de cette déclaration lapidaire attribuée au président américain Franklin Delano Roosevelt
« Il faut constamment soulever les va-nu-pieds contre les gens à chaussures et mettre les gens à chaussures en état de s’entredéchirer les uns les autres, c’est la seule façon pour nous d’avoir une prédominance continue sur ce pays de nègres qui a conquis son indépendance par les armes.
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Ce qui est un mauvais exemple pour les 28 millions de noirs d’Amérique ».
En conclusion, il est temps de croire que nous sommes capables de grandes choses. La guerre de l’Independence en est un exemple probant et l’aide d’Haïti à Simon Bolivar en témoigne davantage. Il n’y a aucune différence entre un américain et un haïtien sur le plan humain. La différence réside tout simplement dans notre choix de vie. Nous négligeons trop de choses importantes. Nous laissons trop de champs libres aux adversaires. Par exemple, aujourd’hui, Haïti a besoin de dirigeants honnêtes et responsables pouvant respecter et faire respecter nos lois. Le pays en dispose, je vous le dis. Toutefois, le seul fait de nous laisser berner par nos ennemis nous empêche de croire qu’il existe des hommes intègres en Haïti. Pour pouvoir le découvrir, mettons nous à scruter la vie, le passé de nos dirigeants avant même les élections afin de discerner les véritables personnalités de nos leaders.
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Il faut cultiver de l’espoir dans notre subconscient. Tout n’est pas perdu. On peut mettre, si on y croit, le malin en déroute. Si aujourd’hui visiter la lune, n’est plus un miracle, c’est parce qu’il y a eu des gens qui en avait cru et travaillé en conséquence. Après plus de 200 ans de notre indépendance, on comprend pourquoi parler en ces termes à l’égard d’Haïti est interprété, en fait, comme une illusion. De même, croire en des jours meilleurs pour notre chère patrie est vraisemblablement illogique. Mais sachez bien, chers compatriotes, Nicolas Copernic ainsi que Galilée étaient tous ridiculisés pour avoir avancé une hypothèse inédite à leur époque à savoir que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse. C’est en ces termes que je vous invite à épouser l’idée que tout est possible à celui qui croit. Si nous avons la foi en l’avenir et sommes déterminés à avancer, personne ne peut nous en empêcher.
Thony Desauguste, av.
Professeur à l’Université d’Etat d’Haïti.